Au cours des derniers mois de 2024, la collaboration LIGO-Virgo-KAGRA (LVK) a détecté GW241011 et GW241110, deux événements d'ondes gravitationnelles remarquablement similaires (et pas seulement par leur nom). Le premier, GW241011, a été détecté le 11 octobre 2024 à 23 h 38 min 34 s UTC. Le deuxième, GW241110, a été détecté presque exactement un mois plus tard, le 10 novembre à 12 h 41 min 23 s UTC. Ces deux événements sont des binaires de trous noirs possédant des spins élevés (le spin désigne la rotation autour de l'axe) , et leurs trous noirs respectifs ont des masses inégales. Ces propriétés ont des implications importantes pour notre compréhension de la formation et de l'évolution des paires de trous noirs, ainsi qu'en physique fondamentale.
Détection des signaux
Les détecteurs LIGO et Virgo ont identifié les deux événements lors de la seconde partie de la quatrième campagne d'observation (O4b) de LIGO-Virgo-KAGRA. La figure 1 illustre l'amplitude des données enregistrées au cours du temps pour ces événements.
GW241011 s'est immédiatement démarquée, sortant largement du bruit de fond habituel des deux détecteurs. À LIGO Hanford, le signal était environ 35 fois plus fort que le bruit de fond, tandis que Virgo l'a détecté à un niveau environ 9 fois supérieur. LIGO Livingston n'était pas opérationnel à ce moment-là. Grâce à des algorithmes de recherche avancés et des techniques statistiques, nous avons déterminé que la probabilité qu'un bruit aléatoire imite ce signal est inférieure à une fois tous les 1026 ans, soit bien plus longtemps que l'âge de l'Univers.

Figure 1 : Les panneaux montrent l’amplitude des données au cours du temps, obtenues par une combinaison des détecteurs LIGO Hanford, LIGO Livingston et Virgo, pour GW241011 (à gauche) et GW241110 (à droite). L’instant de fusion des événements est indiqué par T = 0.
GW241110 a été détectée un mois plus tard, et cette fois-ci, les trois détecteurs étaient en observation. Bien que le signal fût plus faible que GW241011, il était clairement visible sur les deux instruments LIGO, Virgo contribuant avec un signal plus faible. Les mouvements du sol au niveau du détecteur de Livingston étaient importants à ce moment, générant un peu de bruit basse fréquence ; cependant, ceci n'a pas affecté significativement la détection. Après une analyse approfondie, nous avons estimé une probabilité inférieure à une fois tous les 1500 ans.que ce signal soit dû à un bruit aléatoire.
Quelle est l'origine de ces signaux ?
Chaque événement résulte de la fusion violente de deux trous noirs. GW241011 est un signal d'onde gravitationnelle provenant de la collision de deux trous noirs de masses respectives environ 20 et 6 fois celle du Soleil, tandis que les trous noirs de GW241110 ont une masse d'environ 17 et 8 fois celle du Soleil – une similitude frappante ! (Voir figure 2, panneau inférieur.) Tous deux étaient également en rotation rapide sur eux-même (spin), celle de GW241011 ayant été mesurée avec précision. (Voir figure 2, panneau supérieur.)

Figure 2 : (Adapté de la figure 1 de notre publication) Le panneau supérieur présente tous les événements du catalogue GWTC-4, le plus récent du LVK, ainsi que nos deux nouveaux événements, GW241011 et GW241110. Ces événements sont classés selon le spin du trou noir primaire projeté dans la direction de rotation du plan orbital, c’est-à-dire le degré d’alignement du spin du trou noir primaire sur l’orbite du système binaire. Une valeur supérieure à zéro indique que le trou noir est aligné avec la rotation de l’orbite, tandis qu’une valeur inférieure à zéro indique que le système est anti-aligné. Le panneau inférieur présente la distribution de la masse du trou noir primaire (la masse du trou noir le plus massif) en masses solaires et le rapport de masse de la paire de trous noirs pour tous les événements du catalogue GWTC-4, y compris nos nouveaux événements.
Écrire une histoire évolutive
Ces deux événements présentent des caractéristiques intéressantes : dans chaque paire, le trou noir le plus massif (appelé trou noir primaire) possédait un spin bien mesuré. De plus, l’orientation des spins de ces deux trous noirs primaires n’était pas parfaitement alignée avec leurs orbites, et chaque paire comportait un trou noir environ deux fois plus massif que l’autre. Ces indices suggèrent que le trou noir primaire de chaque paire pourrait provenir d’une fusion antérieure de trous noirs, ce qui en fait ce que l’on appelle un trou noir de « seconde génération » (voir figure 3). Ce scénario, appelé fusion hiérarchique, suggère que ces systèmes pourraient s’être formés dans des environnements denses, dans des régions comme les amas d’étoiles, où les trous noirs sont plus susceptibles d’entrer en collision et de fusionner de manière répétée. Cependant, nous ne pouvons exclure l’hypothèse alternative selon laquelle ces deux systèmes résulteraient de l’évolution isolée d’une paire d’étoiles.

Figure 3 : (Adaptée de la figure 7 de notre publication.) La paire de trous noirs associée aux événements GW241011 et GW241110 est représentée, ainsi que les ancêtres possibles du trou noir primaire de chaque paire. La masse estimée, exprimée en unités de masse solaire, et son incertitude sont indiquées pour chaque trou noir. La vitesse de rotation mesurée, χ, du trou noir primaire de chaque paire est également indiquée.
Implications pour la physique fondamentale
La mesure remarquablement précise et fiable du spin du trou noir principal de GW241011 nous a permis de tester une prédiction clé de la théorie de la relativité générale d'Einstein : le moment quadripolaire induit par la rotation du trou noir sur lui même. Cet effet décrit comment une rotation rapide déforme légèrement la forme d'un trou noir et modifie les ondes gravitationnelles qu'il émet. En analysant minutieusement le signal de GW241011 (voir figure 4), nous avons vérifié la prédiction d'Einstein concernant cet effet avec une précision sans précédent (et oui, il avait encore raison !), imposant ainsi les contraintes les plus fortes à ce jour sur cet aspect des trous noirs en rotation.
 
Figure 4 : (Adaptée de la figure 9 de notre publication) Écart par rapport à la prédiction de la relativité générale pour le moment quadripolaire induit par le spin du trou noir principal de GW241011. Cet écart est compatible avec zéro, ce qui indique que l’événement est conforme à la théorie d’Einstein.
- pour en savoir plus, visitez nos sites web de collaborations::
ligo.org
www.virgo-gw.eu
gwcenter.icrr.u-tokyo.ac.jp/en/ - LIsez les l'articles scientifiques .
Gravitational-Wave Open Science Centre data release:
Data for GW241011: https://doi.org/10.7935/3drz-8m81
Data for GW241110: https://doi.org/10.7935/46xh-t016 - Contactez-nous : nelson.christensen@oca.eu
 
            


